3
UN ABRI

Sous une pluie diluvienne, Napashni et sa fille Ayarcoutec avaient quitté la forteresse d’Émeraude la tête haute, mais le cœur meurtri. Elles s’étaient enfoncées dans la forêt à l’ouest de la Montagne de Cristal. La fillette, qui avait grandi sur les chaudes pentes des volcans, où les averses étaient rares et précieuses, se mit rapidement à grelotter. Cependant, Ayarcoutec était une petite guerrière Mixilzin. Elle devait se montrer courageuse, endurante et redoutable. Elle retint donc ses plaintes aussi longtemps qu’elle le put, s’efforçant d’observer le paysage si différent de celui de son pays natal, même s’il était parfois difficile de voir quoi que ce soit avec toute cette eau qui coulait sur son visage.

— Maman, j’ai froid… geignit-elle finalement.

Napashni fit volte-face, comme si on l’attaquait par-derrière. Ses yeux bleus perçants examinèrent rapidement la situation. Ayarcoutec était en effet légèrement vêtue pour la saison. L’adulte aurait pu supporter la pluie glaciale pendant plusieurs jours encore, mais si elle ne trouvait pas bientôt un abri pour son enfant, cette dernière risquait de tomber gravement malade.

Croyant que sa mère allait la gronder, Ayarcoutec éclata en sanglots, une véritable honte pour une princesse de son clan.

— Je veux retourner au château…

— Nous en avons été chassées par la Reine Swan.

— Mais on ne lui a rien fait.

— C’est vrai, mais elle n’a pas pris le temps de nous écouter.

— Alors, rentrons chez nous… Je déteste la pluie…

— Je t’avais prévenue que l’aventure dans laquelle je me lançais serait semée d’embûches, mais tu n’as rien voulu entendre.

— Change-toi en animal ailé et ramène-moi là où il fait chaud.

— Je ne sais pas ce que je fais quand je me transforme, Ayarcoutec. Je pourrais tout aussi bien te dévorer.

— Je veux retourner dans notre maison, dans mon lit et dans mes couvertures…

— Je suis un griffon, pas un escargot ! se fâcha Napashni en frappant durement le sol avec son bâton de marche. Je ne transporte pas ma maison sur mon dos quand je voyage !

Un retentissant coup de tonnerre secoua la forêt, arrachant un cri à Ayarcoutec. Pour ajouter à la frayeur de la petite, les arbres se mirent à tomber de chaque côté des Mixilzins. Napashni abrita aussitôt sa fille dans ses bras et pria Parandar cl tout son panthéon de la protéger de la soudaine colère du ciel. Miraculeusement, aucun des gros troncs ne toucha les deux guerrières. Lorsque le fracas cessa enfin, Napashni scruta les alentours, sans relâcher pour autant sa fille. Quelle ne fut pas sa surprise d’apercevoir, à quelques pas à peine, sa maison de pierre recouverte de crépi blanc et coiffée de chaume.

— Qu’est-ce que c’était, maman ?

Napashni ne voulait surtout pas lui dire qu’elles étaient victimes d’une hallucination… ou avaient-elles été tuées sous un arbre ? Il était bien connu que les défunts demeuraient quelque temps sur les lieux de leur mort avant de regagner les grandes plaines de lumière.

— Est-ce qu’on nous attaque ? continua l’enfant.

Ce n’était pas impossible. Aux dire d’Onyx, les Chevaliers d’Émeraude étaient de puissants magiciens qui pouvaient manipuler les éléments. A son avis, le seul d’entre eux qui aurait eu intérêt à faire disparaître les deux Mixilzins était la Reine Swan.

— C’est ce que nous allons découvrir, répondit finalement la mère en libérant sa fille.

— On dirait que je sens des odeurs de chez nous, s’étonna Ayarcoutec en pivotant sur elle-même.

Napashni les captait aussi. « Comment est-ce possible ? » se demanda-t-elle. Son logis ne pouvait pas se trouver à deux endroits à la fois !

— Reste derrière moi, ordonna-t-elle.

— Mais maman…

— Obéis-moi, Ayarcoutec.

La Mixilzin sortit son poignard de sa gaine en cuir et s’avança à pas feutrés vers cette demeure qui ressemblait un peu trop à la sienne. Elle n’entendait aucun bruit à l’intérieur, mais demeura alerte. De sa main libre, elle toucha finalement le mur. Ce n’était pas une illusion. Elle repoussa prudemment la toile qui couvrait l’ouverture au centre de la façade et constata que personne ne se cachait ni dans la pièce de droite, ni dans la pièce de gauche.

— Est-ce qu’on peut entrer, maintenant ? la pressa sa fille, trempée jusqu’aux os.

— Un bon chasseur ne parle pas quand il étudie son environnement, répliqua la mère.

— Mais nous ne sommes pas à la chasse…

Napashni mit un pied dans la hutte et reconnut tout de suite les objets qu’elle avait elle-même suspendus aux murs. Incapable de rester plus longtemps sous la pluie, Ayarcoutec passa sous son bras.

— Pourquoi notre maison est-elle ici ? s’exclama la petite iMi se débarrassant de ses vêtements mouillés.

— Je n’en sais rien, mais je suspecte que c’est un piège.

— Est-ce qu’on peut quand même faire un feu ?

L’absence de danger imminent inquiétait beaucoup la mère, mais elle ne pouvait pas non plus laisser mourir de froid sa fille. Elle s’accroupit près du gros coffre, où elle empilait le bois qu’elle allait chercher dans la forêt des Itzamans. Les bûches et les fagots étaient encore là. Elle remplit de branches séchées le cercle de pierre au centre de l’habitation et se mit à frotter une baguette de noisetier sur une planchette de marronnier, jusqu’à ce qu’elle obtienne une braise de sciure qu’elle déposa sur le petit bois. En soufflant de façon continue sur la matière incandescente, elle finit par enflammer le cotret. Une fois le feu bien pris, elle déposa des bûches dans le foyer. Ayarcoutec s’enroula dans sa couverture et vint s’asseoir près de la réconfortante source de chaleur.

— On dirait que c’est de la magie, n’est-ce pas, maman ?

— Je n’arrive pas à m’expliquer ce qui a pu se passer.

— Peut-être que les Mixilzins ont voulu se débarrasser de toutes nos affaires.

— Aucun d’entre eux ne possède le pouvoir de faire voler une maison jusqu’ici.

— Sauf toi.

Napashni se demanda si, comme Onyx, elle pouvait déplacer des objets sur de longues distances en se servant de ses facultés divines. Ce dernier avait commencé à lui en enseigner la maîtrise…

— Avoue que tu l’as fait juste pour moi, la taquina Ayarcoutec.

— Nous n’avons aucune preuve que je sois responsable de ce phénomène.

— C’est arrivé juste après que tu m’as dit que tu ne transportais pas ta maison sur ton dos quand tu voyageais.

— Une simple coïncidence.

— Ou bien quelqu’un a entendu tes paroles et a décidé de t’exaucer.

— Comme qui ?

— Le Roi Onyx, par exemple.

— Il n’est pas là.

— C’est étrange qu’il ne soit pas dans son château, tu ne trouves pas ?

— Arrête de me poser des questions et contente-toi de te réchauffer.

Bavarde comme une pie, Ayarcoutec ne resta pas silencieuse très longtemps.

— Que se passera-t-il si quelqu’un utilise une magie contraire et que la maison retourne chez nous ?

Napashni plissa le front en considérant cette éventualité plutôt troublante.

— Ça ne se produira pas, répondit-elle enfin.

— Comment peux-tu en être sûre ?

— Si tu continues de me harceler, je te laisserai partir toute seule avec la maison.

— Je veux juste savoir ce qui va nous arriver.

— Je n’en sais rien…

— Mais tu devais bien avoir au moins un tout petit plan en quittant le village.

— Je voulais simplement recommencer ma vie ailleurs. Le reste m’importe peu.

— Moi, j’aimerais que tu épouses le Roi Onyx et qu’il nous emmène vivre dans un pays où il ne pleut pas.

— Ce sont des rêves de petite fille, Ayarcoutec. La vie est beaucoup plus compliquée que ça.

— Est-ce que tu l’aimes ?

— Je l’admire.

— Lui, est-ce qu’il t’aime ?

— Comment veux-tu que je le sache ?

Ayarcoutec contempla les flammes pendant un petit moment.

— J’ai faim, laissa-t-elle tomber.

— Si tu me promets de rester sagement ici, je vais aller chasser.

— Tu peux être certaine que je ne retournerai pas dehors par ce temps.

Napashni tressa ses cheveux et décrocha son javelot sur le mur.

— Si on m’attaque, est-ce que je peux me défendre ? demanda Ayarcoutec alors que sa mère allait franchir le seuil.

— Personne ne sait que nous sommes ici. Surtout, ne me suis pas.

La Mixilzin sortit sous la pluie qui ne semblait pas près de cesser. Il serait donc impossible de pister quelque proie que ce soit. Même les oiseaux s’étaient réfugiés dans les arbres pour se protéger des éléments. Au bout d’une heure, Napashni abandonna l’idée de prendre du gibier et se mit à chercher des fruits ou des légumes. C’est alors qu’elle sentit une présence dans la forêt. Elle huma l’air et découvrit qu’il ne s’agissait plus d’un animal. Un autre chasseur, sans doute. Elle n’eut pas à se mettre à sa recherche, car l’homme l’avait déjà trouvée. Il portait une houppelande noire et un large capuchon, mais il n’était pas armé.

— Puis-je vous aider ? demanda-t-il sur un ton amical.

— Je n’ai pas besoin d’aide.

— Je vois bien que vous chassez et que vous avez les mains vides.

— Il est difficile de pister sur un sol couvert de flaques d’eau.

— Je vous l’accorde.

Il s’approcha davantage de la Mixilzin, qui releva instinctivement son javelot.

— J’ai voyagé sur tout le continent et jamais je n’ai vu de peuple qui se vêtait comme vous, avoua l’étranger.

— Je suis d’ailleurs.

— C’est un peu vague…

— Dites-moi d’abord qui vous êtes et je me dévoilerai davantage.

— Soit. Je m’appelle Dempsey et vous êtes sur mes terres.

— N’appartiennent-elles pas toutes au roi ?

— Dans sa grande bonté, le Roi Onyx a offert une parcelle de son royaume à tous les Chevaliers d’Émeraude qui se sont mariés. La plupart de mes compagnons d’armes ont choisi de s’établir au sud de la forteresse. J’ai plutôt choisi le nord.

— Où puis-je chasser sans offenser qui que ce soit ?

— Je ne vous empêcherai pas de le faire ici. Je veux seulement savoir qui vous êtes.

— Je m’appelle Napashni et je suis née de l’autre côté des volcans, chez les Mixilzins.

— Vous êtes bien loin de chez vous, madame.

— Je suis à la recherche du Roi Onyx.

— Il vit normalement dans son château, expliqua Dempsey en pointant le sud-est.

— J’en reviens et personne ne sait où il s’en est allé.

— Ce qui ne m’étonne pas du tout. En attendant son retour, ainsi que celui des jours chauds, puis-je vous offrir ces lièvres que j’ai pris dans mes collets ?

Le Chevalier sortit les deux petites bêtes des sacoches qu’il avait attachées à sa ceinture. Normalement, Napashni aurait refusé, car elle se savait capable de se débrouiller toute seule, mais sa fille avait besoin de manger.

— Merci… bredouilla-t-elle.

— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, j’habite à une heure de marche par-là.

Elle le salua vivement d’un mouvement de la tête, prit les lièvres qu’il lui tendait et fit marche arrière. Cette rencontre inopinée venait de lui apprendre que tous les habitants d’Emeraude n’étaient pas aussi odieux que la Reine Swan.

Napashni retourna sur ses pas jusqu’à sa maison. « Pourquoi sommes-nous arrivés à nous comprendre ? » songea-t-elle. Au bout d’un moment, elle arrêta d’y penser, puis dépeça le gibier avant de le suspendre au-dessus des flammes, au grand bonheur de sa fille.

— Tu es la plus grande chasseuse au monde ! s’exclama Ayarcoutec.

— Je ne prends pas le mérite qui ne me revient pas. On m’a fait cadeau de ces lièvres.

— Est-ce l’homme qui joue de la flûte qui te les a donnés ?

— Non. C’est un Chevalier d’Émeraude qui vit non loin d’ici. Nous avons maintenant une dette envers lui.

— Pourquoi ?

— Quand une personne nous sort d’une situation embarrassante, nous avons l’obligation de lui venir en aide lorsque cette dernière se retrouve dans un mauvais pas.

— Mais comment apprendrons-nous qu’il a besoin de nous ?

— La vie nous l’indiquera.

— Elle sait beaucoup de choses, la vie.

— Il faut seulement savoir l’écouter.

Avec beaucoup de plaisir, Ayarcoutec dévora tout un lièvre à elle seule.

— C’était bon ? la taquina Napashni.

— Oui, mais avec du maïs, ça aurait été meilleur.

— Je ne suis pas certaine qu’il en pousse ici, mon petit rayon de soleil.

— Pourquoi ?

— J’imagine que les conditions différentes entre les mondes produisent des espèces uniques.

— Un peu comme nous et les gens du château ?

— Je faisais référence aux produits de la terre.

Ayarcoutec sautilla jusqu’à sa couche et poussa un soupir de satisfaction en retrouvant le confort auquel elle était habituée. Tandis que sa fille sombrait doucement dans le sommeil, Napashni resta assise devant le feu. « J’aurais dû demander à Dempsey si la saison des pluies allait bientôt prendre fin », regretta-t-elle. Onyx arrivait à communiquer avec ses amis grâce à ses pensées. « Pourrais-je en faire autant ? J’ai réussi à me métamorphoser, alors je possède sûrement d’autres pouvoirs cachés. »

La Mixilzin ferma les yeux et appela mentalement le seul homme qui comprendrait ce qu’elle ressentait. Sans s’en rendre compte, elle se brancha aux vibrations les plus subtiles de l’univers, comme elle le faisait de temps à autre lorsqu’elle habitait sur le volcan. Elle entendit d’abord des murmures, puis les paroles de gens affolés. Au milieu d’incalculables battements d’ailes, ils parlaient de crimes impardonnables et de fin du monde. Napashni percevait un si grand nombre de voix qu’il lui était difficile de comprendre ce qui se passait.

Se concentrant encore plus profondément, elle chercha Onyx, puis, au bout de longues minutes, finit par le trouver. Il était recroquevillé dans un endroit sombre, apparemment rocailleux. « Une caverne ? » se demanda Napashni, inquiète. Il ne semblait pas être prisonnier, mais ses pensées frôlaient le désespoir. Ce n’était pas du tout l’homme qu’elle avait connu. « Que lui est-il arrivé ? »

La prêtresse l’appela, mais ne parvint pas à interrompre le cours de sa réflexion. Des scènes de guerre se mêlaient à des moments de grande tendresse. Elle le vit donner à boire à un bébé, puis sursauta lorsqu’il décapita un grand dragon ailé. Des sentiments de claustration dans un milieu froid et inhospitalier étaient immédiatement suivis d’une euphorique sensation de libération et de liberté. Toutefois, ce qui revenait le plus souvent dans l’âme du Roi d’Émeraude, c’était l’insoutenable angoisse de ne pas être compris par les autres. Son besoin de conquérir le monde n’émanait pas de son incommensurable ambition, mais de son désir d’instaurer une paix durable dans le monde des mortels. La haine qu’Onyx entretenait envers les dieux et leurs serviteurs immatériels avait été récemment attisée par les agissements brutaux de ces derniers.

« Onyx, j’ai besoin de toi », lui souffla Napashni. Dans un épais brouillard se dessina la silhouette du renégat, qui faisait tourner son épée double au-dessus de sa tête à la manière des ailes d’un moulin. La Mixilzin sentit la rage qui bouillonnait dans le cœur du puissant sorcier. « Il ne me reconnaît pas ! » s’alarma-t-elle. Même la plus petite blessure infligée dans un état de transe pourrait s’avérer mortelle. La prêtresse chercha immédiatement à mettre fin à sa méditation. Les lames de l’épée frôlèrent son visage. Serrant les poings de toutes ses forces, Napashni parvint à se détacher du monde des ombres et tomba à la renverse.

Haletante, elle constata qu’elle était de retour dans sa maison. Pendant un long moment, elle observa les ombres projetées sur le plafond par les flammes en étudiant ce qu’elle venait de voir et d’entendre. Onyx avait quitté Emeraude parce qu’il souffrait jusqu’au fond de son âme…

Napashni se redressa et vit que les dernières bûches étaient en train de se consumer. Elle en jeta d’autres sur le feu, avant de se traîner jusqu’à son lit. Rien de ce qu’elle avait vu autour d’Onyx ne lui permettait de reconnaître le lieu où il se trouvait. Il avait besoin d’aide et elle ne pouvait rien faire pour lui.

Les Héritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff
titlepage.xhtml
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_000.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_001.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_002.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_003.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_004.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_005.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_006.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_007.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_008.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_009.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_010.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_011.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_012.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_013.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_014.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_015.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_016.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_017.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_018.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_019.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_020.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_021.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_022.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_023.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_024.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_025.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_026.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_027.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_028.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_029.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_030.htm
Les Heritiers d'Enkidiev - [T6] - Nemeroff_split_031.htm